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vendredi 20 décembre 2024

Diwan, Dastum, Coop Breizh... La Bretagne se déprécie

 "On n'avance pas, des fois, j'ai l'impression, dans tout ce qui devrait être réglé depuis longtemps : la langue*, la Loire-Atlantique**, les départements, ça devrait être fait depuis longtemps. On a d'autres soucis à régler. Ca devrait être réglé depuis tellement longtemps. Et je suis très triste qu'on en soit encore là...". Ces propos ont été tenus par l'artisan Dan ar Braz au cours du journal "Bonjour Bretagne" du 19 décembre 2024 sur Tebeo. Sans remettre en cause un seul instant les paroles désabusées du musicien, effectivement, il existe d'autres soucis en Bretagne en plus de ceux qu'il évoque. Et ces soucis sont nombreux et se rapprochent toujours davantage vers le déclin quand on accepte de regarder la réalité en face : la Bretagne se meurt de son assimilation à la France. 

A regarder encore de plus près, la greffe de la politique de l'acculturation a produit des effets bien mieux acquis que ne l'aurait provoqué les champs de bataille : il fallait, et il faut certainement encore, chez le Breton de Province, se traumatisant dans son syndrome d'infériorité, être plus Français que le Français ! Ces effets, ou ces poisons, sont multiples et divers. Pour ma part je retiendrai quelques exemples navrants, excluant d'office celui du député français Paul Molac, notre Théodore Botrel contemporain. 

Je commencerai par le succès du livret sur les bretonnismes recueillis par Hervé Lossec***. Je considère que ce recueil n'est ni plus ni moins que le ramassis d'un bâtardisme linguistique à une époque où la coexistence du français et du breton entamait sa marche forcée vers l'anéantissement volontaire d'un idiome multiséculaire. Comment peut-on alors se féliciter d'un tel désaveu ? D'une telle publication ? Cette bâtardise était bien de son époque et un signal de notre dépossession, loin d'être hilarant. A l'évidence, les bretonnismes ne sont que les avatars d'une colonisation (presque) réussie.


Tout comme l'est la réappropriation de figures ou de symboles emblématiques de notre pays à des fins commerciales. Dans ce domaine les exemples ne manquent pas mais je m'attarderai sur le cas des masques fabriqués par l'ex-entreprise "Diwall", basée à Ploudaniel (décidément), et vendus dans les commerces lors de la Covid. Figurez-vous que je connais l'ancien responsable commercial de l'entreprise puisqu'il s'agit du conjoint d'une de mes cousines. Quel fût mon désappointement quand je découvris le packaging sur lequel figurait un "Triskell". Non pas tant parce qu'ils avaient récupéré ce symbole fort de notre union celte mais plus parce que ce fut ce même cousin qui me présenta la boîte à l'entrée d'une grande surface. Avec ce cousin, nous n'avions pas plus franchouillard ! Miséreux, nous avions été dépouillés de notre identité au profit d'un bon Français patriote ! Je vois encore dans son sourire une jubilation à m'exhiber la boîte sur laquelle était écrit "Diwall" pendant que de mon côté je m'effondrai intérieurement ! 

Cependant et inéluctablement, des pans entiers de notre "savoir-faire breton" souffrent du désintérêt des Bretons, dans des domaines pourtant vitaux pour notre pays et qui font le particularisme d'une Nation. Sans avoir à développer les difficultés financières supportées par trois acteurs majeurs que sont Diwan, Dastum et Coop Breizh, il s'agit surtout d'identifier ce qui résulte justement de ce particularisme : dans l'enseignement par immersion, dans la manière que nous avions à collecter et à transmettre, ce lien fort avec une autre civilisation, dans l'esprit coopératif de diffusion de la littérature et de la culture, si énergiquement ancré chez les Bretons. C'est cela qui façonne une identité et c'est cela que nous (en tout cas moi), militants pacifistes et indépendantistes, voyons se déprécier. Et tout comme Dan ar Braz, et tout comme moi-même, d'autres sentent l'effritement identitaire se matérialiser devant leurs yeux, et leur instinct de survie, contrairement cette fois-ci à Dan ar Braz et moi-même, les incite à l'abomination par la création de groupuscule néo-fasciste. 

Je terminerai par une conclusion, puisqu'il en faut bien une. Je pense que les acteurs culturels de Basse Bretagne se sont trompés de combat lorsqu'ils prétendaient que : "Hep brezhoneg, Breizh ebet" (sans langue bretonne, plus de Bretagne). Je suis persuadé que c'est l'inverse que nous devions défendre : "Hep Breizh, brezhoneg ebet". Cette posture n'a pas facilité le passage à des engagements politiques et de facto à la conscientisation d'une Nation bretonne revalorisée et célébrée. Et n'attendez pas des athlètes français qui agitent le gwenn ha du, un quelconque ralliement.


* Il existe deux langues en Bretagne : le breton et le gallo

** Les mobilisations pour le rattachement du 44 à la Bretagne attirent de moins en moins de militants

*** Je connais H. Lossec de l'époque où j'étais président de Dastum Bro Leon pendant qu'il était celui de Ti ar vro Bro Leon à Lesneven 

samedi 14 décembre 2024

Les naufragés de Kermi, le récit d'une nécrose sociale

Depuis plusieurs mois maintenant je réfléchis à recueillir un certain nombre de témoignages, de vécus, de souvenirs à propos de ce que je pourrais qualifier de "nécrose sociale", propre à une élite saint-politaine et certainement fait assez unique dans le genre, surtout dans le milieu rural breton : la création dès 1921 d'un quartier (ou lotissement) populaire exclu délibérément du centre bourg de Saint-Pol-de-Léon, le quartier de Creac'h Mikaël ou autrement appelé "Kermi". Cette élite, assemblée d'une aristocratie multi séculaire et d'une petite bourgeoisie conservatrice et rentière, s'accordait, second événement assez remarquable en soi, pour expulser des artères historique et religieuse de la ville, autrefois évêché du Léon, la tripotée de gueux en souffrance de logements. En effet, selon les prétextes avancés par le conseil municipal de l'époque, au commande duquel se distinguait la famille De Guébriant, la ville engourdie dans ces vieux murs ne possédait pas assez d'habitations pour loger la main d'œuvre nécessaire à l'essor agricole local et autres roturiers exerçant des "petits métiers". On entassa donc dans chaque maison, composée de quatre logis restreints, des familles pendant 100 ans. Ces maisons, au nombre de douze, furent cisaillées dans leur moitié par un terre-plein surélevé, couronné dans son point central par les latrines.

Mon père, Marc-Jean dit "Marco". Kermi du bas. Fin des années 60.



















Au même endroit, bien des années plus tard.

Dès les premiers moments, la ségrégation sociale s'abattit sur les locataires de Kermi. Elle se transmit continuellement d'une génération à l'autre, au point où dans les années 60, le discrédit de départ, exécrable, se vit adjoint les quolibets de "voyous" ou de "bandits" pour caricaturer la jeunesse qui s'animait dans la "Plaine" et dans laquelle crapahutèrent mon père Marc-Jean Derrien et son cousin René Grall. Les conditions de vie, parfois jusqu'à dix occupants pour un minuscule 20 m2 de deux pièces, détériorant évidemment le plein épanouissement des enfants, réduits à subir parfois une indigence presque extrême, au point de se contenter de repas invariablement garnis de pommes de terre, octroyaient aux pourfendeurs des alibis inébranlables. 

Certes, la consommation excessive d'alcool chez nombre d'entre eux ne venait pas soulager la mauvaise réputation qui rodait entre la rangée de maisons du "bas" et de celle du "haut". Cependant, sans exonérer ces invétérés buveurs de vin, l'alcool était omniprésent, une habitude sociale, un quotidien vicieux, une obligation même, sur le lieu de travail, au dépôt de légumes, près de la gare, par un verre tendu, soit par le producteur soit par l'expéditeur, ou qui languissait sur injonction du patron dans le bistrot d'à côté, à tous ces emballeurs disposés à se détendre lors de pauses écimées tout au long d'une journée de 12 heures de manutention.

A double titre, les habitants de Creac'h Mikaël (la colline de Saint Michel) pourraient être baptisés comme naufragés. D'abord, il faut voir ce promontoire, isolé, perdu, encerclé par un dédale de champs, seulement barrés par des talus avachis, de choux fleurs ou d'artichauts alignés à perte de vue, qu'aucun ancien soulèvement tellurique n'obligerait à araser le relief, perturbé de-ci de-là par quelques corps de ferme et, dans le lointain, par les flèches mornes de Plouénan et de Sibiril; étonnant tout de même d'exposer au regard du visiteur l'infortune que l'on ne veut pas pour soi, qu'on ne saurait supporter*. Et puis des naufragés car des hommes et des femmes sombrèrent dans le désastre, comme mon grand-père, René Derrien, qui se pendit parmi les siens, abruti par l'alcool, à l'âge de 47 ans. 

Cependant, Kermi ne m'a pas encore tout révélé. Au contraire même. Au-dedans de destins mal traités, mal fagotés, mal considérés, il semblerait qu'une fine poésie ait pu germer, à surprendre la tourterelle de Georges Carnec toujours suspendue à son épaule. C'est aussi cela que je m'en vais dévoiler. Déjà des noms me sont familiers : Goasdu (mon arrière-grand-mère), Le Joly, Cueff ou bien Le Bris. Donc "Avisse à la population !" Comme annonçait le crieur de rue, Alexis Kerbiriou quand il s'agissait de colporter la nouvelle municipale, je suis à l'affût de témoignages pour écrire leur brasier de misère et leur fétu de joie.

Mille mercis à René et Catherine pour ces premières heures d'entretien


* La partie côtière étant réservée aux belles demeures

mercredi 4 décembre 2024

Rencontre avec des citoyens garants du droit à Plougastel

A mon initiative, Bernard MAHEO (Anticor) et André LE CAM (ADCCP) ont accepté mon invitation afin de faire le point sur le rôle de citoyens en lien avec la bonne application de la loi à Plougastel-Daoulas. Merci à eux.


de g. à d. : B. MAHEO, D. DERRIEN, A. LE CAM,
trois défenseurs de l'éthique dans le droit

Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Bernard MAHEO (BM)
- Je suis référent d'Anticor pour le département du Finistère depuis plus de 20 ans. J'ai adhéré à l'association Anticor par culture et par formation. Je suis plutôt partisan du respect des règles, de la loi, et j'ai constaté, à différentes reprises, dans un certain nombre de domaines, que la loi n'était pas respectée et ignorée. Cela me paraissait suffisant pour intervenir, non pas pour lutter mais pour agir de manière concrète afin que la loi soit respectée par tous. 

Or, aujourd'hui, quelques politiques entretiennent un rapport très particulier avec la loi. Il ne s'agit pas une règle générale car, dans la majorité des cas, les élus font un travail tout à fait remarquable et méritent d'être cités en exemple. Et puis une petite minorité emprunte souvent, trop souvent, des chemins de traverses donnant ainsi une image très préjudiciable pour la démocratie, tout simplement. Mais c'est une minorité. Au sein d'Anticor nous ne faisons pas dans le "tous pourris", ça c'est exclu.
 
Très souvent, les citoyens rencontrent soit les élus municipaux soit les Maires, ce sont ces élus de proximité qui doivent soutenir la démocratie. A partir du moment où les citoyens n'ont plus confiance dans ces élus de proximité, ça présente à mon sens un danger pour la démocratie. 

Quand vous regardez l'actualité en France le nombre d'élus mis en cause pour des faits et des comportements contraires à l'éthique, à la probité, c'est stupéfiant. Certes, il s'agit d'une minorité mais qui fait beaucoup de mal.

Le Président du Sénat, lors de sa venue à Brest, le 04 novembre 2024, a d'ailleurs indiqué "... l'élu local est une richesse pour notre pays" et il ajoutait "il faut condamner l'infime minorité d'élus qui usent de leur situation."

André LE CAM (ALC)
- Je suis le représentant de l'Association de défense des contribuables de la commune de Plougastel depuis 2016. L'association existe car on s'est aperçu que l'on se faisait gruger par l'attitude du Maire de Plougastel-Daoulas à cause de l'émission de fausses factures.

Quels regards portez-vous sur l'application du droit au niveau local ?

ALC
- Sa voiture (notre de l'auteur : au Maire) est très souvent en stationnement, sur "l'arrêt minute" en face de la mairie, une bonne partie de la journée. Il montre l'exemple ? Moi ça me choque. J'ai rédigé un article qui n'est pas paru dans la presse locale dans lequel j'ai écrit que le premier à donner l'exemple doit être le Maire !
 
Il a déjà été condamné mais la sanction n'a pas été assez forte. Ca non plus ce n'est pas apparu dans le Télégramme. 

BM
- Les lois, ce sont des règles de vie en société, elles doivent être respectées même si parfois c'est difficile, j'en conviens. Ce n'est pas facile de respecter la loi au quotidien et c'est parfois aussi une contrainte. 

Ce sont des textes qui ont quand même été votés par des députés et des sénateurs, la loi a été promulguée par le Président de la République, c'est comme cela que fonctionne la démocratie aujourd'hui en France. 

Comment appréciez-vous les décisions des Tribunaux à propos des requêtes ? Est-ce que le Tribunal va toujours dans le sens du droit ?

BM
- Cet aspect présente un caractère complexe. La justice analyse, doit tenir compte de la jurisprudence et des éléments contextuels qu'il convient d'apprécier au cas par cas. 

En France ce qu'il y a de particulier, c'est la fonction du Procureur de la République qui dispose de l'opportunité de poursuivre ou de ne pas poursuivre et il n'a pas à se justifier et c'est là toute la difficulté. Il fait partie d'une chaîne hiérarchique qui, dans certaines circonstances, peut réduire ses possibilités d'action.

ALC
- Pour ma part, je ne suis pas satisfait des réponses suite à nos actions. J'ai fait un bond quand j'ai lu qu'il y avait prescription sur une escroquerie dans un dossier déposé devant des magistrates de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Rennes.

Quand le Procureur reçoit une pile de dossier est que certains seraient à écarter, est-ce que le ministère intervient ?

BM
- Alors, On nous dit que non, ça ne se fait plus. Dont acte. Le dernier ministre de la Justice l'a rappelé à plusieurs reprises. Nous demandons, à Anticor, depuis de nombreuses années, que le Procureur soit totalement indépendant. 

Et l'attitude de la presse locale ? Qu'en pensez-vous ?

BM
- C'est simplement traduire la vérité. La manière dont les faits sont relatés dans la presse demeure parfois très étonnante et reste source d'interrogations. On peut se poser la question de savoir "mais d'où viennent les informations qui sont retransmises ?" 

ALC
- C'est difficile d'être indépendant, ils ont des subventions publiques. Et dans les articles, pourquoi fait-on apparaître les propos des uns et pas ceux des autres ?


Comment qualifieriez-vous le positionnement de l'opposition communale ?

ALC
- Les élus de l'opposition sont nuls. Ils ne font rien.* 

BM
- Etre élu de l'opposition reste une tâche parfois difficile, délicate, mais ce que l'on attend, me semble-t-il, c'est que les élus de l'opposition travaillent un certain nombre de dossiers et puis au besoin prennent contact avec des citoyens et des citoyennes qui maîtrisent le sujet et qui sont toujours susceptibles d'apporter des réponses étayées. Mais c'est vrai, face à quelques situations, ils n'apparaissent pas suffisamment percutants. 

* Ce à quoi j'ai rajouté qu'on ne pouvait même pas prétendre qu'ils étaient nuls puisqu'ils ne font rien (en terme d'environnement pour ma part)

L’émancipation des esclaves noirs aux États-Unis : un exemple en trompe-l’œil. Part. 4

L'émancipation. Intro et première partie : naître à soi-même https://dderrien.blogspot.com/2025/10/lemancipation-intro-et-premiere-parti...