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vendredi 20 décembre 2024

Diwan, Dastum, Coop Breizh... La Bretagne se déprécie

 "On n'avance pas, des fois, j'ai l'impression, dans tout ce qui devrait être réglé depuis longtemps : la langue*, la Loire-Atlantique**, les départements, ça devrait être fait depuis longtemps. On a d'autres soucis à régler. Ca devrait être réglé depuis tellement longtemps. Et je suis très triste qu'on en soit encore là...". Ces propos ont été tenus par l'artisan Dan ar Braz au cours du journal "Bonjour Bretagne" du 19 décembre 2024 sur Tebeo. Sans remettre en cause un seul instant les paroles désabusées du musicien, effectivement, il existe d'autres soucis en Bretagne en plus de ceux qu'il évoque. Et ces soucis sont nombreux et se rapprochent toujours davantage vers le déclin quand on accepte de regarder la réalité en face : la Bretagne se meurt de son assimilation à la France. 

A regarder encore de plus près, la greffe de la politique de l'acculturation a produit des effets bien mieux acquis que ne l'aurait provoqué les champs de bataille : il fallait, et il faut certainement encore, chez le Breton de Province, se traumatisant dans son syndrome d'infériorité, être plus Français que le Français ! Ces effets, ou ces poisons, sont multiples et divers. Pour ma part je retiendrai quelques exemples navrants, excluant d'office celui du député français Paul Molac, notre Théodore Botrel contemporain. 

Je commencerai par le succès du livret sur les bretonnismes recueillis par Hervé Lossec***. Je considère que ce recueil n'est ni plus ni moins que le ramassis d'un bâtardisme linguistique à une époque où la coexistence du français et du breton entamait sa marche forcée vers l'anéantissement volontaire d'un idiome multiséculaire. Comment peut-on alors se féliciter d'un tel désaveu ? D'une telle publication ? Cette bâtardise était bien de son époque et un signal de notre dépossession, loin d'être hilarant. A l'évidence, les bretonnismes ne sont que les avatars d'une colonisation (presque) réussie.


Tout comme l'est la réappropriation de figures ou de symboles emblématiques de notre pays à des fins commerciales. Dans ce domaine les exemples ne manquent pas mais je m'attarderai sur le cas des masques fabriqués par l'ex-entreprise "Diwall", basée à Ploudaniel (décidément), et vendus dans les commerces lors de la Covid. Figurez-vous que je connais l'ancien responsable commercial de l'entreprise puisqu'il s'agit du conjoint d'une de mes cousines. Quel fût mon désappointement quand je découvris le packaging sur lequel figurait un "Triskell". Non pas tant parce qu'ils avaient récupéré ce symbole fort de notre union celte mais plus parce que ce fut ce même cousin qui me présenta la boîte à l'entrée d'une grande surface. Avec ce cousin, nous n'avions pas plus franchouillard ! Miséreux, nous avions été dépouillés de notre identité au profit d'un bon Français patriote ! Je vois encore dans son sourire une jubilation à m'exhiber la boîte sur laquelle était écrit "Diwall" pendant que de mon côté je m'effondrai intérieurement ! 

Cependant et inéluctablement, des pans entiers de notre "savoir-faire breton" souffrent du désintérêt des Bretons, dans des domaines pourtant vitaux pour notre pays et qui font le particularisme d'une Nation. Sans avoir à développer les difficultés financières supportées par trois acteurs majeurs que sont Diwan, Dastum et Coop Breizh, il s'agit surtout d'identifier ce qui résulte justement de ce particularisme : dans l'enseignement par immersion, dans la manière que nous avions à collecter et à transmettre, ce lien fort avec une autre civilisation, dans l'esprit coopératif de diffusion de la littérature et de la culture, si énergiquement ancré chez les Bretons. C'est cela qui façonne une identité et c'est cela que nous (en tout cas moi), militants pacifistes et indépendantistes, voyons se déprécier. Et tout comme Dan ar Braz, et tout comme moi-même, d'autres sentent l'effritement identitaire se matérialiser devant leurs yeux, et leur instinct de survie, contrairement cette fois-ci à Dan ar Braz et moi-même, les incite à l'abomination par la création de groupuscule néo-fasciste. 

Je terminerai par une conclusion, puisqu'il en faut bien une. Je pense que les acteurs culturels de Basse Bretagne se sont trompés de combat lorsqu'ils prétendaient que : "Hep brezhoneg, Breizh ebet" (sans langue bretonne, plus de Bretagne). Je suis persuadé que c'est l'inverse que nous devions défendre : "Hep Breizh, brezhoneg ebet". Cette posture n'a pas facilité le passage à des engagements politiques et de facto à la conscientisation d'une Nation bretonne revalorisée et célébrée. Et n'attendez pas des athlètes français qui agitent le gwenn ha du, un quelconque ralliement.


* Il existe deux langues en Bretagne : le breton et le gallo

** Les mobilisations pour le rattachement du 44 à la Bretagne attirent de moins en moins de militants

*** Je connais H. Lossec de l'époque où j'étais président de Dastum Bro Leon pendant qu'il était celui de Ti ar vro Bro Leon à Lesneven 

samedi 14 décembre 2024

Les naufragés de Kermi, le récit d'une nécrose sociale

Depuis plusieurs mois maintenant je réfléchis à recueillir un certain nombre de témoignages, de vécus, de souvenirs à propos de ce que je pourrais qualifier de "nécrose sociale", propre à une élite saint-politaine et certainement fait assez unique dans le genre, surtout dans le milieu rural breton : la création dès 1921 d'un quartier (ou lotissement) populaire exclu délibérément du centre bourg de Saint-Pol-de-Léon, le quartier de Creac'h Mikaël ou autrement appelé "Kermi". Cette élite, assemblée d'une aristocratie multi séculaire et d'une petite bourgeoisie conservatrice et rentière, s'accordait, second événement assez remarquable en soi, pour expulser des artères historique et religieuse de la ville, autrefois évêché du Léon, la tripotée de gueux en souffrance de logements. En effet, selon les prétextes avancés par le conseil municipal de l'époque, au commande duquel se distinguait la famille De Guébriant, la ville engourdie dans ces vieux murs ne possédait pas assez d'habitations pour loger la main d'œuvre nécessaire à l'essor agricole local et autres roturiers exerçant des "petits métiers". On entassa donc dans chaque maison, composée de quatre logis restreints, des familles pendant 100 ans. Ces maisons, au nombre de douze, furent cisaillées dans leur moitié par un terre-plein surélevé, couronné dans son point central par les latrines.

Mon père, Marc-Jean dit "Marco". Kermi du bas. Fin des années 60.



















Au même endroit, bien des années plus tard.

Dès les premiers moments, la ségrégation sociale s'abattit sur les locataires de Kermi. Elle se transmit continuellement d'une génération à l'autre, au point où dans les années 60, le discrédit de départ, exécrable, se vit adjoint les quolibets de "voyous" ou de "bandits" pour caricaturer la jeunesse qui s'animait dans la "Plaine" et dans laquelle crapahutèrent mon père Marc-Jean Derrien et son cousin René Grall. Les conditions de vie, parfois jusqu'à dix occupants pour un minuscule 20 m2 de deux pièces, détériorant évidemment le plein épanouissement des enfants, réduits à subir parfois une indigence presque extrême, au point de se contenter de repas invariablement garnis de pommes de terre, octroyaient aux pourfendeurs des alibis inébranlables. 

Certes, la consommation excessive d'alcool chez nombre d'entre eux ne venait pas soulager la mauvaise réputation qui rodait entre la rangée de maisons du "bas" et de celle du "haut". Cependant, sans exonérer ces invétérés buveurs de vin, l'alcool était omniprésent, une habitude sociale, un quotidien vicieux, une obligation même, sur le lieu de travail, au dépôt de légumes, près de la gare, par un verre tendu, soit par le producteur soit par l'expéditeur, ou qui languissait sur injonction du patron dans le bistrot d'à côté, à tous ces emballeurs disposés à se détendre lors de pauses écimées tout au long d'une journée de 12 heures de manutention.

A double titre, les habitants de Creac'h Mikaël (la colline de Saint Michel) pourraient être baptisés comme naufragés. D'abord, il faut voir ce promontoire, isolé, perdu, encerclé par un dédale de champs, seulement barrés par des talus avachis, de choux fleurs ou d'artichauts alignés à perte de vue, qu'aucun ancien soulèvement tellurique n'obligerait à araser le relief, perturbé de-ci de-là par quelques corps de ferme et, dans le lointain, par les flèches mornes de Plouénan et de Sibiril; étonnant tout de même d'exposer au regard du visiteur l'infortune que l'on ne veut pas pour soi, qu'on ne saurait supporter*. Et puis des naufragés car des hommes et des femmes sombrèrent dans le désastre, comme mon grand-père, René Derrien, qui se pendit parmi les siens, abruti par l'alcool, à l'âge de 47 ans. 

Cependant, Kermi ne m'a pas encore tout révélé. Au contraire même. Au-dedans de destins mal traités, mal fagotés, mal considérés, il semblerait qu'une fine poésie ait pu germer, à surprendre la tourterelle de Georges Carnec toujours suspendue à son épaule. C'est aussi cela que je m'en vais dévoiler. Déjà des noms me sont familiers : Goasdu (mon arrière-grand-mère), Le Joly, Cueff ou bien Le Bris. Donc "Avisse à la population !" Comme annonçait le crieur de rue, Alexis Kerbiriou quand il s'agissait de colporter la nouvelle municipale, je suis à l'affût de témoignages pour écrire leur brasier de misère et leur fétu de joie.

Mille mercis à René et Catherine pour ces premières heures d'entretien


* La partie côtière étant réservée aux belles demeures

mercredi 4 décembre 2024

Rencontre avec des citoyens garants du droit à Plougastel

A mon initiative, Bernard MAHEO (Anticor) et André LE CAM (ADCCP) ont accepté mon invitation afin de faire le point sur le rôle de citoyens en lien avec la bonne application de la loi à Plougastel-Daoulas. Merci à eux.


de g. à d. : B. MAHEO, D. DERRIEN, A. LE CAM,
trois défenseurs de l'éthique dans le droit

Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Bernard MAHEO (BM)
- Je suis référent d'Anticor pour le département du Finistère depuis plus de 20 ans. J'ai adhéré à l'association Anticor par culture et par formation. Je suis plutôt partisan du respect des règles, de la loi, et j'ai constaté, à différentes reprises, dans un certain nombre de domaines, que la loi n'était pas respectée et ignorée. Cela me paraissait suffisant pour intervenir, non pas pour lutter mais pour agir de manière concrète afin que la loi soit respectée par tous. 

Or, aujourd'hui, quelques politiques entretiennent un rapport très particulier avec la loi. Il ne s'agit pas une règle générale car, dans la majorité des cas, les élus font un travail tout à fait remarquable et méritent d'être cités en exemple. Et puis une petite minorité emprunte souvent, trop souvent, des chemins de traverses donnant ainsi une image très préjudiciable pour la démocratie, tout simplement. Mais c'est une minorité. Au sein d'Anticor nous ne faisons pas dans le "tous pourris", ça c'est exclu.
 
Très souvent, les citoyens rencontrent soit les élus municipaux soit les Maires, ce sont ces élus de proximité qui doivent soutenir la démocratie. A partir du moment où les citoyens n'ont plus confiance dans ces élus de proximité, ça présente à mon sens un danger pour la démocratie. 

Quand vous regardez l'actualité en France le nombre d'élus mis en cause pour des faits et des comportements contraires à l'éthique, à la probité, c'est stupéfiant. Certes, il s'agit d'une minorité mais qui fait beaucoup de mal.

Le Président du Sénat, lors de sa venue à Brest, le 04 novembre 2024, a d'ailleurs indiqué "... l'élu local est une richesse pour notre pays" et il ajoutait "il faut condamner l'infime minorité d'élus qui usent de leur situation."

André LE CAM (ALC)
- Je suis le représentant de l'Association de défense des contribuables de la commune de Plougastel depuis 2016. L'association existe car on s'est aperçu que l'on se faisait gruger par l'attitude du Maire de Plougastel-Daoulas à cause de l'émission de fausses factures.

Quels regards portez-vous sur l'application du droit au niveau local ?

ALC
- Sa voiture (notre de l'auteur : au Maire) est très souvent en stationnement, sur "l'arrêt minute" en face de la mairie, une bonne partie de la journée. Il montre l'exemple ? Moi ça me choque. J'ai rédigé un article qui n'est pas paru dans la presse locale dans lequel j'ai écrit que le premier à donner l'exemple doit être le Maire !
 
Il a déjà été condamné mais la sanction n'a pas été assez forte. Ca non plus ce n'est pas apparu dans le Télégramme. 

BM
- Les lois, ce sont des règles de vie en société, elles doivent être respectées même si parfois c'est difficile, j'en conviens. Ce n'est pas facile de respecter la loi au quotidien et c'est parfois aussi une contrainte. 

Ce sont des textes qui ont quand même été votés par des députés et des sénateurs, la loi a été promulguée par le Président de la République, c'est comme cela que fonctionne la démocratie aujourd'hui en France. 

Comment appréciez-vous les décisions des Tribunaux à propos des requêtes ? Est-ce que le Tribunal va toujours dans le sens du droit ?

BM
- Cet aspect présente un caractère complexe. La justice analyse, doit tenir compte de la jurisprudence et des éléments contextuels qu'il convient d'apprécier au cas par cas. 

En France ce qu'il y a de particulier, c'est la fonction du Procureur de la République qui dispose de l'opportunité de poursuivre ou de ne pas poursuivre et il n'a pas à se justifier et c'est là toute la difficulté. Il fait partie d'une chaîne hiérarchique qui, dans certaines circonstances, peut réduire ses possibilités d'action.

ALC
- Pour ma part, je ne suis pas satisfait des réponses suite à nos actions. J'ai fait un bond quand j'ai lu qu'il y avait prescription sur une escroquerie dans un dossier déposé devant des magistrates de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Rennes.

Quand le Procureur reçoit une pile de dossier est que certains seraient à écarter, est-ce que le ministère intervient ?

BM
- Alors, On nous dit que non, ça ne se fait plus. Dont acte. Le dernier ministre de la Justice l'a rappelé à plusieurs reprises. Nous demandons, à Anticor, depuis de nombreuses années, que le Procureur soit totalement indépendant. 

Et l'attitude de la presse locale ? Qu'en pensez-vous ?

BM
- C'est simplement traduire la vérité. La manière dont les faits sont relatés dans la presse demeure parfois très étonnante et reste source d'interrogations. On peut se poser la question de savoir "mais d'où viennent les informations qui sont retransmises ?" 

ALC
- C'est difficile d'être indépendant, ils ont des subventions publiques. Et dans les articles, pourquoi fait-on apparaître les propos des uns et pas ceux des autres ?


Comment qualifieriez-vous le positionnement de l'opposition communale ?

ALC
- Les élus de l'opposition sont nuls. Ils ne font rien.* 

BM
- Etre élu de l'opposition reste une tâche parfois difficile, délicate, mais ce que l'on attend, me semble-t-il, c'est que les élus de l'opposition travaillent un certain nombre de dossiers et puis au besoin prennent contact avec des citoyens et des citoyennes qui maîtrisent le sujet et qui sont toujours susceptibles d'apporter des réponses étayées. Mais c'est vrai, face à quelques situations, ils n'apparaissent pas suffisamment percutants. 

* Ce à quoi j'ai rajouté qu'on ne pouvait même pas prétendre qu'ils étaient nuls puisqu'ils ne font rien (en terme d'environnement pour ma part)

mercredi 27 novembre 2024

Qui est David Derrien ? Piv out ?

Il vit à Plougastel-Daoulas. Engagé dans l'agro-écologie et le jardin collectivisé de "Il fait toujours beau à Plougastel".




Parcours politique

  ≥ 1995 : adhérent 12 ans à l’UDB (avec un passage d’1 an à Emgann, mouvement de la gauche indépendantiste)

Faits marquants

            √ Quatre élections locales (trois cantonales et une régionale)

 Positionnement politique : hostile aux alliances avec le Parti Socialiste

  2008 : élection municipale à Plougastel-Daoulas avec le Modem (oups !)

  2015 : adhérent au NPA de Brest

  2019 : découverte de la littérature de Murray Bookchin et de l'écologie sociale

  2020-2023 : adhérent à Douar ha Frankiz

Pour l’écologie sociale/radicale et

Pour le municipalisme libertaire

Pour une indépendance à l’Etat-Nation

Pour un confédéralisme démocratique

Douar ha Frankiz

Parcours écologique

 Création du personnage de dédé l’Abeillaud en 2011

dédé l'Abeillaud

Faits marquants

√ Actions communes avec les apiculteurs pro (FFAP)

en présence d'Alain David, ancien président-fondateur
de la Ffap (vallée du restic, Brest, 2014)

√ Candidature supposée à l’élection présidentielle de 2012 (voir les faits et l’effet sur le net)

√ Intrusions citoyennes pour dénoncer la vente de Round up dans des grandes surfaces de bricolage

√ Co-organisateur de la marche c/ Monsanto à Brest en 2013 puis organisateur des Marches suivantes à Guingamp (2014) et Carhaix (2015)

Marche contre Monsanto (Brest, mai 2013)

Marche contre Monsanto (Guingamp, juin 2014)

Marche contre Monsanto (Carhaix, mai 2015)

            √ Création du spectacle "Complètement à la ruche" (2016 - 2018)

 Adhérent-fondateur de l’association de protection de l’environnement « A quoi ça serre » à Plougastel-Daoulas 

Faits marquants

√ Condamnation de serristes pollueurs

√ Réunions publiques : gestion de l’eau et assainissement écologique, loi littoral, frelon asiatique

√ Rencontres publiques avec André Bouny (documentaire « Agent orange, une bombe à retardement), To Nga Tran (livre « Ma terre empoisonnée »), Isabelle Attard, ancienne députée écologiste (livre « Comment je suis devenue anarchiste »)

En compagnie de To Nga Tran (Plougastel-Daoulas, 2017)


Avec Isabelle Attard (Plougastel-Daoulas, 2020)

√ Sentinelle de l’environnement et alerte sur les dégâts liés aux serristes, sur l’abandon de plastique agricole, sur l’assainissement non collectif défectueux et les dépôts sauvages.

Et en vrac

 Militant anti-nucléaire, quelques actions avec Aïta, faucheur volontaire (occupation de la Cecab, coopérative d’importation de soja OGM), co-président du Comité de soutien breton des faucheurs volontaires, déambulation écolo-estivale à vélo sur le littoral du sud-Finistère pour sensibiliser les touristes aux pollutions marines, collaboration à la revue d’eau et rivières de Bretagne. Auteur du livre "Ici c'est l'escargot", copropriétaire du site historique breton de Koad sav Pell à St Aubin du Cormier.



Une action avec Aïta à Sarzeau (2013)

Marche anti-nucléaire (Brennilis, 2013)


Dessin pour une brève de la revue d'ERB



Parcours culture bretonne

  Membre, salarié puis président de Dastum Bro Leon (collectage de la matière orale bretonne) à Lesneven : édition de plusieurs ouvrages en langue bretonne (livres-CD, CD) – gestion salariale et administrative – Festival Bro Chelgenn (1998-2005)

 Milieu pro

 Permanent kendalc’h Penn ar bed (cercles celtiques) – Carhaix (fin des années 90)

  Animateur culturel à la Falsab (jeux bretons) - Lesneven (2003-2005)

 Parcours associatif/syndical

  Adhérent du comité soutien aux chômeurs du Pays de Morlaix (1995)

 A participé aux prémices de la fondation du Sindikat Labourerien Breizh à Carhaix (autour de 2000)

 Adhérent-fondateur « Mignoned Kreiz Breizh » à Carhaix (vers 2000)

Fait marquant

√ A l’initiative de la coordination de soutien aux prisonniers politiques, suite à l’attentat de Quevert (réunion publique avec les épouses des prisonniers en 2000, Egin-Carhaix)

 Adhérent de Sud santé puis de Sud asso et adhérent d’Ingalañ (commerce équitable) 2013-2016

 Adhérent-fondateur de « Il fait toujours beau à Plougastel » association agro-écologique (2020 )

Parcours commerce équitable / Economie sociale et solidaire

  Adhérent-fondateur d’Ingalañ Bro Brest (2013) : à l’initiative de 2 opérations de transport de marchandises à la voile en Bretagne


  Administrateur de l’Adess de Brest (Association de développement de l'économie sociale et solidaire) puis co-président en charge du développement de Heol (monnaie complémentaire)
 

 Parcours professionnel/formation

 Faits marquants

            √ Scolarisation en filière agricole au Legta de Suscinio, Morlaix-Ploujean (1986-1992)

√ Formation longue dans l’élevage ovin (1996-1998)→ projet installation élevage bio en Bretagne

√ Gérant d’une entreprise d’éditions (Edica Breizh 2005-2010) des calendriers et des livres : « ar boled mean » de Reun L’Hostis, « Diwan, hiziv » Edipaj, « Ar peñse e Bro Leon » Mikael Madeg + ouvrages sur la peinture en Bretagne (Fañch Michelet-Nicolas "l'art celtique contemporain"). https://www.youtube.com/watch?v=LcU53IrdOL4




√ Statut d’agriculteur : permaculture avec Nature et Progrès (2016-2018) puis maraîcher AB dans l’Yonne (2019)

√ Etudiant 1ère année LLCER-parcours breton à l’UBO de Brest (2020-2021)

√ Ecrivain public (2023-204)




 

Et depuis...

Ecrivain libertaire











mardi 26 novembre 2024

"La bête au coin du cimetière", un récit contre les oppressions

Grâce aux "éditions des montagnes noires", éditeur basé à Gourin, le livre "La bête au coin du cimetière", dont je suis l'auteur, sera édité courant mars 2025. En attendant sa publication, je dois fournir aux prochains lecteurs une explication de fond, sans rien omettre, en commençant par la genèse du récit. 




Parce que c'est bien de cela dont il s'agit, d'un acte de création, surgi à partir d'un fait réel, sournois et inhumain. Immédiatement, j'ai fait le lien avec les différentes formes d'oppression exercées sur nos existences et plus particulièrement celles traumatisant les femmes. A ce niveau d'inhumanité, il est inutile d'évoquer ici la condition de la femme. C'est justement ce que l'on a blâmé à Euphrasine, la condition même de son existence, celle qui régit nos consciences à nous extirper, à nous exprimer, à nous bonifier. 

Dans un premier temps, pour approcher ce que vécut Euphrasine, j'ai dû tenter, en tant qu'homme, d'enrôler son fardeau, celui d'une femme martyrisée, qui plus est enceinte de son amant. Cette recherche de similitude semble avoir bien ensemencée puisque parmi les personnes qui ont accepté de corriger l'écriture, beaucoup étaient des mères, aucune n'a émis un aveu douteux sur la façon dont j'incarnais l'une d'entre elles. C'était déjà un bon présage pour la suite.

Puis, il a fallu décrire les raisons pour lesquelles Euphrasine fut séquestrée dans une soue. A partir de ce drame, j'ai trouvé un prétexte pour dégueuler mon dégoût des dogmes en tout genre et en premier lieu celui de la religion car, en effet, le propos verse dans une opposition aux croyances nettement soutenue par une vision anticléricale. A ce stade, une précision s'impose, il ne s'agit pas d'une posture agressive contre les chrétiens, après tout, ils s'occupent comme ils veulent, mais bien d'une réaction contre l'oppression (la guerre est souvent une comparse de la religion, je ne l'ai pas oublié, ni la domination de l'homme sur l'homme).  Au fait, tous ces sujets, un siècle plus tard, ne sont-ils toujours pas d'actualité ? 

De quel type d'oppression s'agit-il dans ce livre ? Celle qui annihile la Connaissance. "Donnez des livres à un enfant et vous en ferez une menace. Donnez une croix à un ou une incrédule et vous en ferez une brebis." Euphrasine voulait fuir les carcans dont elle saisissait le dessein, faire d'elle une ignare et lui confisquer son ignorance car c'est elle qui vous grandit. On lui a fait comprendre par le pire que c'était inadmissible, à chacun sa condition, à chacun sa croix.

A votre avis, combien d'hommes et de femmes ont subi le joug des oppressions parce qu'ils revendiquaient une capacité à sonder le monde ? Vous ne savez pas ? Moi non plus. Puisque contraints au silence, ce sont toutes et tous des opprimé.es. Et que mieux qu'un Anarchiste pour leur réattribuer la parole.

D. Derrien

Vous pouvez dès à présent réserver un exemplaire en m'adressant un courriel à disentus@gmail.com.  Précisez s'il faut prévoir un envoi postal en m'indiquant une adresse. Premier tirage limité. Format 14 x 21 cm. Prix : 13 euro (hors frais de port)

"Avec ce livre, David Derrien rentre dans l’histoire de la littérature bretonne avec honneur. Belle narration biographique." Fatia Folgalvez, militante bretonne avec une carrière de professeure au lycée Diwan à Carhaix

" Terrifiant et beau." Michel, correcteur et professeur à la retraite

"Je suis sûre que vous trouverez l'éditeur qu'il vous faut. Votre manuscrit le mérite." Editions Lunatique

"Texte très intéressant." Editions Goater



vendredi 8 novembre 2024

"La petite algérienne" et le résumé du manuscrit

 

LA PETITE ALGERIENNE

 

Sources

Archives familiales d’A.M., née le 21 janvier 1935 à Bône (Algérie)

N.B. de l’auteur : Je tiens d’A.M. l’information comme quoi son grand-père, colon français, aurait participé activement au pogrom de Constantine le 05 août 1934. Pourtant, aucune source disponible ne mentionne la présence de colons français.

Archives du département de Vendée, « La Voix de la Vendée », « La Croix de Vendée »

Bnf Gallica, numéros du journal « L’Avenir de Tebessa », gallica.bnf.fr/BnF

Ouest-France «L’épiscopat contesté de Mgr Cazaux », article du 27 mai 2014, intervenant : Michel Gautier (historien)

Site Internet : Mémorial de la résistance et de la déportation en Vendée

Persée, Le développement géographique de la colonisation agricole en Algérie, Henri Busson, annales de géographie, année 1898, pp 34-54  (46)

Partir « coloniser » l’Algérie dans les années 1890 : Respect des règles, initiatives, affranchissement, Christine Mussard

Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier. Séance du 14 février 2011. « Colons en Algérie, histoire d’une famille ordinaire ». Claude Lamboley

Presse Universitaire de Provence, « Antijudaïsme et antisémitisme en Algérie coloniale, 1830-1964. Chapitre « Un moment d’extrême tension entre populations » Constantine août 1934. Pp 181-202. Geneviève Demerjian

Site Internet de La Ligue de défense juive, article du 05 août 2016, « Ni pardon, ni oubli : 5 août 1934 le pogrom de Constantine en Algérie : 24 juifs tués »

Persée, Une émeute antijuive à Constantine – Charles-Robert Ageron, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, année 1973, pp 23-40

 

Documentaire écrit

Récit inspiré de faits réels (les noms et prénoms de certaines personnes ont été volontairement modifiés)

Reconstitution historique

Extraits des courriers authentiques

Café glacier, Tébessa


Résumé

A.L. Pignol fut un odieux personnage. Colon algérien. Il profita de son statut de notable pour exécuter avec ferveur sa monomanie viscérale : ratonner du Juif. A.L. Pignol se sentait à l’aise dans son époque, dans laquelle l’antisémitisme agissait comme un catalyseur pour toutes les aversions et les persécutions envers une communauté tout entière.

Il rencontra puis épousera Marie-Jeanne Gilbert en 1905. Marie-Jeanne Gilbert fut elle-même la fille de migrants cultivateurs partis du Tarn-et-Garonne pour échapper à la misère et qui voulaient profiter d’une concession agricole d’Ain-Charchar.

Parents de deux filles, Henriette et Laurette, le couple fit l’acquisition d’un hôtel à Tébessa en 1910, permettant à A.L. Pignol d’accéder au rang d’élu de la République, à la fois à Tébessa mais également dans la commune mixte de Morsott. L’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne et l’instauration de la collaboration en France ne feront que légitimer l’adhésion d’A.L. Pignol à un nationalisme d’extrême droite en Algérie.

Sa fille aînée, Henriette Pignol se mariera, contrainte, avec Charles Mingam, Breton de Daoulas, capitaine dans l’Infanterie française. Charles Mingam étant mobilisé en 1940, ils devront quitter l’Algérie pour déménager vers La Roche-sur-Yon. Très vite, dans le conflit, l’officier sera fait prisonnier. Son épouse devra seule, pendant plus de cinq ans, avec leurs deux jeunes enfants, éprouver les affres de l’occupation allemande en Vendée, se réfugiant dans la religion catholique pour y trouver un semblant de béatitude. Seule la correspondance qu’elle entretiendra avec son mari, emprisonné dans un Oflag, maintiendra l’espoir d’un retour.

Tout comme en Algérie, l’antisémitisme métropolitain, s’il ne fut pas encouragé par une majorité de Vendéens, pourtant effacée et silencieuse, ne fut pas moins une discrimination extrême, à laquelle de nombreux Français, parmi lesquelles des notables religieux et des réactionnaires de droite, s’affilièrent soit avec frénésie et virulence, soit par allégeance au gouvernement de Vichy.

 

Ce récit d’une saga familiale, inspiré de faits réels, prend sa source à la fin du 19ème siècle lorsque des migrants français s’accaparèrent le territoire algérien. Il y est question d’implantation des populations, de l'antisémitisme ordinaire des Français, de conflits et de répits, de haine et d’amour, de vie et de mort.


L'exception culturelle française réside dans le fait qu'elle peut encore célébrer un antisémite comme Céline sans être jugée par la condamnation 

samedi 19 octobre 2024

Extrait du manuscrit "La petite algérienne"

Documentaire écrit

Récit inspiré de faits réels

Reconstitution historique

Philippeville, 1917














La clarté peinait à s’imposer sur Saint-Paul-d’Espis pendant que la famille Gilbert se résignait à abandonner ce qui avait été le foyer de plusieurs générations. La brume, aveuglante, s’étalait et s’attardait encore entre les vergers, fuyant sur les toits de tuiles rouges et les collines environnantes, comme pour envelopper d’un linceul cet endroit qui leur avait été si familier. Antoine Gilbert, s’était dressé bien avant l’aube. Ses mains, rendues calleuses par des années de travail de la terre et du bois, ajustaient les harnais sur les chevaux attelés à la charrette. La carriole, modeste mais solidement construite avec ses propres moyens, était bondée de tout ce qu'ils avaient accumulé : quelques meubles, des outils précieux, et une poignée de souvenirs soigneusement emballés qui surchargeait le convoi. Jeanne Gilbert s’affairait autour des jeunes enfants à l’intérieur de leur maison étrécie de l’enlèvement du principal mobilier. Elle fit l'inventaire mental de ce qu'ils allaient reléguer aux souvenirs. Dans chaque objet, dans chaque recoin de la maison surgissait un moment de leur vie éprouvée ensemble: la boustifaille maintes fois bectée autour de la robuste table, l’agitation des enfants qui trottinait autrefois dans la pièce, les soirs d’hiver clapis au coin de l’âtre. Les yeux confus, elle jeta un dernier regard autour d’elle, le cœur amolli par l’émotion. Ses mains tremblèrent légèrement lorsqu’elle glissa le crucifix familial dans un sac en toile, une relique transmise de mère en fille, qui devait leur garantir une protection dans ce nouveau monde vers lequel ils confiaient leur sort. Antoine Gilbert-fils, âgé de treize ans, observa la scène en retrait. À son âge, il comprit déjà la gravité du moment, bien que son esprit fût encore plein des rêves d’aventure qu’éveillait en lui l’idée de partir pour l’Algérie. À ses côtés, ses sœurs plus jeunes ne saisirent pas l'ampleur du changement qui devrait plus tard les stupéfier. Ils regardaient leurs parents avec une confiance naïve, sécurisés par la présence imposante de leur père, dont la stature et la force semblaient capables de tout submerger.
Leur décision de migrer vers l'Algérie, cette inconnue lointaine que les rumeurs ajoutaient à l’envoûtement, avait été empreinte d’interrogations. Toutefois et peut-être sur injonction pressente de Michel Gary, les ultimes réticences s’effacèrent devant l'ombre de la misère qui s’abattait sur leur village, les mauvaises récoltes successives et l’absence de perspectives pour leurs enfants. Tout s’enchaîna ensuite selon les prévisions de Michel Gary. Trois mois avaient suffi à l’exécution des différentes obligations administratives. Une certaine somme d’argent avait été versée à Michel Gary en prévision des dépenses liées au transport et aux premières nécessités dès la traversée de la Méditerranée achevée. 
Le ciel, ce matin-là, se barbouillait d’un bleu indéfini, à mesure que le soleil s’extirpait des ténèbres, crispé sur l’horizon. Antoine Gilbert sentit une boule se tapir dans sa gorge en s’attardant sur les vécus de ses parents, de ses grands-parents, et à tous les Gilbert avant eux qui avaient soulagé par leur travail cette terre. Il se demanda, au point de le tracasser, si partir serait pareil à une infliction qu’il ferait subir à leurs existences ou, au contraire, une tentative hasardeuse de poursuivre leur héritage ailleurs. Il inspira profondément, cherchant à déjouer ces ressentiments. Il n’avait pas le choix, il fallait être robuste pour sa famille, pour Jeanne et les enfants. La charrette était enfin complète. Antoine Gilbert aida son épouse à monter, suivie des enfants qui s’installèrent tant bien que mal sur les ballots. Puis il se retourna une dernière fois vers la maison, vers les champs qui s’étendaient à perte de vue, convoités par la seule lumière pâlotte et blafarde du matin déshabillée avec paresse de la brume collante. Une prière muette s’échappa des lèvres de Jeanne Gilbert. Après un claquement de langue, Antoine Gilbert fit avancer les chevaux. La charrette se mit en branle, titubant sur le chemin qui les emportait loin du village. A les écouter, le bruit âpre des roues sur les cailloux résonnait tel un piteux orchestre. À mesure qu'ils s'éloignaient, le village de Saint-Paul-d’Espis devint indéfinissable, jusqu'à ne plus être qu'une croûte sur son monticule. Le cœur engourdi mais empli d’une détermination indéfectible, Antoine Gilbert ne déviait plus les yeux du chemin qui se perdait maintenant devant eux, un chemin long de jours et de nuits avant d’atteindre Marseille. Leur avenir, imprévisible et pourtant si prometteur, séjournait à Gastu sur une concession de plus de 25 ha de terres.
Après une traversée périlleuse due à une sérieuse tempête, le port de Philippeville qui se soumettait enfin à leur vision, scintillait dans la lumière éclatante du soleil méridional prétendu enlaçant. Après des instants éprouvés par le voyage, la famille Gilbert surprit la périphérie littorale d’un pays dont on leur avait tant rabâché la beauté. Antoine Gilbert, le regard figé sur cette côte qui se détachait à mesure qu’ils approchaient de leur destination, ressentait un mélange complexe de soulagement et d’appréhension. Derrière lui, Jeanne Gilbert serrait la main de leur plus jeune fille, tentant de combattre son inquiétude par un sourire arrangeant. Pour les enfants, ce nouvel environnement était source d’excitation, une aventure que leurs jeunes esprits associaient avant tout à des histoires de pirates et de trésors perdus. Autour d’eux, le tintamarre du bateau qui accostait, se mêlait aux vociférations des marins, aux raillements des mouettes, et à l’agitation des passagers impatients de poser pied à terre, soulagés à l’idée de se désamarrer définitivement de cette embarcation. Mais à peine accédèrent-ils au sol algérien que l’atmosphère s’imposa à eux avec une rudesse inattendue. Le port grouillait d’une activité incessante de dockers outragés par une chaleur qui déferlait sur leur peau particulièrement badigeonnée, tandis que les colons, fraîchement soulagés de leur ballonnement, tentaient de se repérer au milieu de cette effervescence chaotique. La langue arabe, impénétrable, mélangée au français parfois criard des officiers coloniaux, qui supervisaient le débarquement des nouveaux venus, bruissait de tous côtés. Pour les Gilbert, ce premier contact avec l'Algérie fut un choc culturel. Rien ne ressemblait à ce qu’ils avaient auguré. A part Michel Gary qui les accueillit comme indiqué à l’entrée du port. Il arborait un large sourire, comme pour dissimuler la tension palpable des quais. « Bienvenue en Algérie ! » S’écria-t-il en les rejoignant, bras béants, trop peut-être au goût d'Antoine Gilbert. Son enthousiasme sonnait curieusement creux à ses oreilles. Les promesses d’une vie prospère qu'il avait tant accommodée, s’effilochaient déjà face à la dureté du climat et à l'agitation désordonnée qui les enserrait. « Alors ? Et ce voyage ? Vous n’avez pas été trop secoués au moins ? Michel Gary était à son aise, étrangement accoutré selon les premières observations d’Antoine Gilbert, détail qui ne l’avait pourtant pas alerté lors de leur entrevue à Saint-Jean-d’Aspis,
-    Compliqué, lui rétorqua évasif et avare de mots le cultivateur, tout absorbé à l’ambiance grouillante des quais,
-          Bien. Suivez-moi, nous allons nous éloigner du port. Nous allons pouvoir continuer à discuter à notre aise dans un troquet tout proche. Nous viendrons récupérer les chevaux et vos affaires quand la douane aura fait son travail. J’ai fait le nécessaire pour les formalités. »





samedi 5 octobre 2024

Extrait du manuscrit "La petite algérienne"

Documentaire écrit

Récit inspiré de faits réels

Reconstitution historique

Au fil des années, l’Algérie berbère, puis l’Algérie conquise, devient l’Algérie française. La IIIème République n’est pas que colonisatrice, elle est aussi dogmatique. Son régime prétendu démocratique doit s’exporter, être un modèle de laïcité, même dans les oueds les plus reculés, dans l’intention politique de garantir à une nouvelle bourgeoisie, la prospérité qu’elle mérite. Les Français s’entichent de ce pays qui ne ressemble en rien à une ancienne province comme la Bretagne ou la Bourgogne. L’affection est telle que l’on pourrait comparer l’Algérie à une maîtresse qu’il faut tout à la fois escorter par le bras tant elle est ravissante et l’amignoter pour jouir de ses ressources, comparable à que ce que véhicule Huguette Pignol dans l’outrecuidance de sa jeunesse. 

Si Huguette Pignol naît à Constantine en 1908, son état civil mentionne une identité complètement française comme le rappellent les noms que portent ses ascendants nés en France. Pourtant, de ce côté de la Méditerranée, cette généalogie métropolitaine peut sembler lointaine et ne rien signifier pour cette fillette de colons. Beaucoup de ces premiers migrants du sud de la France ont rejoint l’Algérie pour échapper à des conditions de vie modestes et sûrement sur le fil du rasoir à cause des crises agricoles, dans une ruralité qui tarde au 19ème siècle à sortir de la glaise, grouillante de nouveaux-nés qui sont autant de bouches à nourrir. Quelle aubaine alors de voir les promesses offertes par ces nouveaux territoires conquis, des terres fertiles à perte de vue et des ressources naturelles qui restent à exploiter. Cette nouvelle ascension sociale, inaccessible en France, à moins de choir comme ouvrier ou ménagère dans une grande ville, accompagne l’expansionnisme français jusqu’au fin fond du désert, soutenue en cela par la fortification des villes arabes, car les résistances sont toujours coriaces. On s’enrichit souvent et pour les plus fervents nouveaux propriétaires terriens, le sentiment d’allégresse patriotique doit écraser tout ce qui faisait l’histoire des peuples de ces contrées poussiéreuses et indigentes. Si les aïeuls d’Huguette Pignol vivaient dans la pauvreté et la promiscuité, en Algérie ce ne sera pas leur cas. Là-bas, et même si on étouffe à cause du sable, si le soleil d’été est harassant, on portera la cravate et les femmes sentiront la fleur d’oranger. C’en est bientôt fini pour les membres de la famille d’Antoine Gilbert de tremper l’écueil dans le peu de soupe qui sent le chou. En Algérie, ce ne seront pas eux les culs-terreux, se persuade-t-il.


Depuis plusieurs jours, Michel Gary arpente les routes du Quercy dans le bassin aquitain. Après être parvenu par le nord à Montesquieu, il emprunte maintenant la route de La Barguelonne pour descendre plus au sud. Sa prochaine destination est le petit village de Saint-Paul-d’Espis, niché au fin fond du Tarn-et-Garonne, où il espère, étranger à tout remord, harponner un pigeon qu’il pourra plumer, enfin, pas complètement, car il ne faudrait pas trop éveiller les soupçons sur ses activités illicites. Michel Gary, de sa véritable identité Raymond Bourdieu, est un escroc et il est plutôt doué dans ce qu’il manigance et s’il fallait en douter, son casier judiciaire vierge plaiderait pour lui, après plus de 10 ans employés à des transactions frauduleuses. Michel Gary, puisqu’il se présente à partir de cet état civil, est une espèce de financier au multiple facette fallacieuse et tant que cela peut gonfler sa bourse. Faux titres de propriétés, placements maquillés, Michel Gary ne s’attarde pas sur du petit larcin, il excelle dans de sournois rôles de banquier, de spéculateur ou de libre-échangiste. En l’occurrence, en cette période de l’année, il a endossé le rôle d’agent fiscal de l’Etat pour dénicher des volontaires voulant migrer vers l’Algérie. Muni d’une carte administrative contrefaite, il se faufile dans les mairies puis les fermes du canton pour engourdir ceux qui auraient opter pour un aller sans retour vers un territoire lointain, inconnu de la plupart des agriculteurs du Tarn-et-Garonne, afin d’acquérir des terres dont on admire la fertilité des sols et l’abondance des récoltes. D’allure plutôt avenante, assez rond sur pied, atteint d’une légère calvitie qu’une fine moustache compense, valorisant une dentition parfaite, correctement vêtu sans être extravagant, Michel Gary, au premier abord, sait emberlificoter ses proies. Pourtant, si ces pauvres hères n’étaient pas tant aveuglés par ses billevesées, à l’évidence ils auraient pu souligner cette légère grimace de la lèvre supérieure identique à un flehmen que l’on observe chez les herbivores, signe chez lui d’une grande corruption intérieure. Cela aurait-il suffit à éveiller chez eux le moindre soupçon ? Il eût fallu avant tout être fin connaisseur en filouterie pour décrypter cette contorsion de la lippe. La fin de l’été 1872 s’avère particulièrement brûlante et pénible et c’est souvent que Michel Gary s’éponge le front avec un mouchoir détrempé, l’agaçant outre mesure. « Allez ! Maintiens l’allure, bougre d’animal ! » S’emporte Michel Gary. Dans sa minuscule carriole qu’il mène au petit trot, se fichant éperdument, comme l’âne qui la tracte, des paysages qu’il traverse, il peste régulièrement face aux derniers refus qu’il vient de subir, « Je ne comprends pas, mon offre était quand même alléchante ! Une concession à 25 ha de terres, ce n’est pas rien tout de même, bande de corniauds va ! ». A vrai dire ce n’est pas le hasard qui l’a envoyé dans cette contrée isolée du sud-ouest de la France. Avant d’entreprendre ce voyage qui l’entraîne loin de Marseille, il a pris le temps nécessaire pour se renseigner sur la crise agricole qui sévit durement dans cette campagne reculée depuis quelques années. En cause ? La concurrence des blés étrangers. On explique que les « acquits-à-caution » seraient les vrais responsables de la chute des cours des céréales. On avance que des grains, stockés dans des dépôts temporaires sur le port de Marseille, devaient être réexportés. Mais les industriels obtinrent l’autorisation de moudre : les farines ne furent plus obligés de ressortir par le port d’entrée. Du coup, tout le bas-Languedoc se couvrit de minoteries et c’est alors que des abus se produisirent. Ces farines, introduites par fraude sur le marché, suffirent au besoin du pays ; elles barrèrent la route aux blés provenant des fermes du sud-ouest qui jusqu’à ce moment-là alimentaient la région par le marché de Toulouse. Et ce n’est pas le verger des Gilbert qui compensera les pertes de revenus liées à la baisse des cours des céréales. Il est temps pour Michel Gary de parvenir à Saint-Paul-d’Espis et de savourer un galopin à la terrasse d’un estaminet du village avant de se rendre à la mairie pour consulter les registres administratifs. La seule chose avalée par le voyageur, à défaut de troquet, est la poussière soulevée de la route par une légère brise et le mouchoir appliqué sur sa bouche s’avère une barrière peu contraignante, pénalisant davantage la gorge sèche de Michel Gary. Ce coup de vent momentané n’ébranle nullement l’impavidité d’un chat, unique élément feutré en mouvement, d’une placette centrale caniculaire fuie pas ses habitants. 

L’émancipation des esclaves noirs aux États-Unis : un exemple en trompe-l’œil. Part. 4

L'émancipation. Intro et première partie : naître à soi-même https://dderrien.blogspot.com/2025/10/lemancipation-intro-et-premiere-parti...