Sans revenir sur l'agitation médiatique autour d'une loi scélérate adoptée le 08 juillet dernier à l'Assemblée nationale, il convient de s'interroger à la fois sur la mobilisation citoyenne à travers la signature d'une pétition cristallisant des inquiétudes légitimes sur la gestion de l'eau, l'usage des néonicotinoïdes et leur impact sanitaire, ou au sujet des fermes-usines, et sur sa capacité à modifier un tant soit peu le sort réservé à l'environnement et aux possibilités de protections durables des populations. Il ne faut pas se leurrer, signer une pétition depuis son ordinateur ou son portable ressemble à une forme de résignation face à des adversaires bien plus motivés parce qu'ils ont à leur disposition un modèle économique cadenassé, monolithe dans leur monopôle.
D'emblée, l'engagement pour l'écologie, qu'il soit citoyen ou militant, qu'il ne faudrait pas qualifier de radicale afin de ne pas effrayer les plus pudibonds, s'apparente à un combat permanent eu égard aux oppositions décrétées par on ne sait quelle nécessité de productivisme et de rentabilité soutenus de façon fallacieuse par un éventail très large d'opportunistes affairistes et d'irresponsables politiques. Puisque le terme de combat a été avancé, il convient alors de décrypter quelques exemples d'un éventail plus large d'opposition, affirmée mais non violente.
Etonnement, le premier de ces combats consiste à réclamer auprès des élu.es la stricte application de la loi et du code de l'environnement (voir être fidèles à la Charte de l'environnement inscrite dans la Constitution) et d'attendre d'eux ou elles qu'iels agissent contre des actes illicites voire écocidaires. Alors même que ces politiques ne cessent de s'identifier à l'Etat de droits, quand bien même ce droit est adopté par le législateur et promulgué par le Président de la République, et donc qui ne dépend pas de leur fonction mais que l'on exige d'eux son application, il n'est pas exagéré d'affirmer que l'énergie déployée dans les cas d'abandon dans leur rôle civique, relève du parcours du combattant : est-ce que la signature par le maire d'un permis de construire pour une nouvelle porcherie est un acte contraire à l'intérêt fondamental de la Nation ? Il faut croire que oui, à voir l'état des plages en Bretagne et notamment à Douarnenez mais qu'on continue à souhaiter l'extension en facilitant leur implantation par un assouplissement des règles environnementales, octroyée par les Préfets. Est-ce que la signature d'une convention entre une commune et un entrepreneur pour l'édification d'un ouvrage urbain exigeant une ICPE (Installation classée protection de l'environnement) comprenant des déchets, est contraire à l'esprit de l'intérêt fondamental de la Nation ? A constater le type et le volume des polluants, certainement. Est-ce que la réintroduction d'un néonicotinoïde (acétamypride) est contraire à l'esprit de la Charte de l'environnement qui proclame la préservation de la biodiversité ? La réponse est connue.
Alors, que peut transformer une pétition, même populaire, face à l'insignifiante volonté des républicains à s'accorder à leur propre texte constitutionnel ? Le relais opportuniste de la gauche parlementaire marque bien la faiblesse de leur représentativité et leur incapacité à fléchir l'orientation des partisans de la "loi Duplomb". La gauche n'a plus qu'à supplier le Président français pour saisir l'Article 10 de la Constitution dans le but de provoquer un nouveau débat parlementaire... sans effets pour la suite. Le modèle parlementariste marque une nouvelle fois ses limites.
Nonobstant ce fait, un arsenal de contre mesures encourage, de surcroît, à la désertion des élu.es face aux enjeux écologiques. Si la France reste une championne dans l'empilement des lois, elle fait de leur dérogation une norme quand il s'agit de destruction d'espèces protégées ou d'abattage de corvidés. Mieux, on octroît à ces représentants une sortie de secours à travers une nomenclature déviante, le sésame de toutes les facilitations d'urbanisme : "Eviter, réduire, compenser", aux oubliettes la "Zéro articifialisation nette" remplacée par la compensation. Aucune pétition ne viendra modifier cet état de fait. Au fond, ce genre de réaction s'apparente davantage à une distraction citoyenne.
De plus, l'ampleur prise par cette pétition a un précédent. "Le cap du million de signatures a été franchi haut la main à la fin 2019". Voilà ce qu'annonçait le mouvement des coquelicots sur son site il y a 5 ans, concernant leur propre pétition. Les animateurs du collectif titraient : "Et maintenant, que va faire l'Etat ?" Eh bien : la loi Duplomb, le renforcement du lobbying de la Fnsea et la structuration du syndicat d'extrême droite que représente la Coordination rurale, porter davantage le discrédit sur les écologistes, la création du dispositif "demeter" orchestrée par la Fnsea depuis la Place Beauvau, le peu d'empressement pour condamner les pressions exercées sur le personnel de l'OFB et pour trouver les responsables des dégradations de leurs locaux, les désengagements et les relâchements divers et variés (mégabassines notamment). L'Etat français et E. Macron ont fait peu de cas pour ce genre d'apostrophe par le passé, est-on convaincu d'une volte face pour cette nouvelle pétition ?
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| Occupation de la Draf Bretagne par des apiculteurs et des militants dont dédé l'Abeillaud (David Derrien). Mars 2012 |
D'autre part, l'outil numérique qu'utilise le pétitionnaire a un effet délétère car il participe à l'abandon de la rue, haut lieu de toutes les insurrections et des contestations populaires, et il renvoie aux souvenirs ce que "faire corps social" signifie. L'inquiétude des parents sur le barrage sanitaire partiellement escamoté par cette nouvelle dérogation ne souffre d'aucune contestation à l'endroit de la santé de leurs enfants. Néanmoins, l'efficacité des mobilisations de rues, d'intrusions citoyennes ou d'occupation de lieux symboliques ont démontré leur efficacité à faire plier les décideurs de tout acabit. Les Anarchistes le savent mieux que qui compte dans un autre domaine : les bouleversements sociaux en faveur du peuple passent par la Révolution et non par les urnes.
Au final, serions-nous aujourd'hui incapables d'imaginer 2 millions de personnes défilées dans les rues des villes et des villages, côte-à-côte, dans un pacifisme absolu au cours d'une révolution douce, parce que justement, les enfants accompagneraient leurs parents ? Même Retailleau n'exigerait pas la charge des forces de l'ordre contre ces jeunes agitateurs qui se rejoigneraient à propos du maintien du Vivant.
Actions des faucheurs volontaires. Cecab à Saint Sylvestre. Mai 2011
https://www.dailymotion.com/video/xim0ak
Intrusion citoyenne, castorama de Brest. Etiquetage de bidons "round up". Juin 2013
https://vimeo.com/manage/videos/68953034/player


Salut Dédé,
RépondreSupprimerbien lu ton post encore une fois très pertinent. Sophie