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lundi 8 septembre 2025

Le Bonheur vu par les Anarchistes

Peu se sont risqués à associer la notion de Bonheur à l'anarchie. Pour la simple et mauvaise raison que l'on ignore, volontairement ou pas, que le chaos n'a pas de lien direct avec l'anarchie et, par ce qui en découle, qu'on s'autorise à faire des conclusions orientées, hâtives et sommaires, considérant que du chaos naît le malheur et la perte de contrôle. Ainsi, l'anarchie ne peut être nullement considérée comme un phénomène triomphant qui mènerait au Bonheur. 

Or, jusqu'à preuve du contraire, ce sont les forces de l'illusion, qu'elles soient orchestrées par l'Etat souverain, les religions ou le grand capital qui ont crée et enflé les conditions parfaites du chaos mondialisé, la casse environnementale, le contrôle sur les individus par la fracturation sociale, la paupérisation et la haine de l'autre, à leur seul avantage de domination. Et pourtant, même en parcourant brièvement la littérature, les pensées et les actions des Anarchistes, le Bonheur multiple est une aubaine, et s'inscrit au coeur même du volontarisme anarchiste, dans un seul et unique objectif insupportable, qu'il soit partagé entre tous et toutes, à la seule condition irrémédiable de sortir de l'asservissement. Heureusement que des figures essentielles aux fondations de l'Anarchie sont parvenues à développer leur propre cheminement, capables de concrétiser le Bonheur, soit par la critique des formes illusoires du Bonheur ou par l'accomplissement de leur propre vision, à partir de celui-ci.

Tout d'abord, la plupart des penseurs anarchistes (pour ne citer qu'iels : Bakounine, Kropotkine, Stirner ou Goldman) le Bonheur ne peut exister qu'à travers la liberté réelle. Cette liberté n'est pas institutionnalisée, elle est tangible, à travers le développement du potentiel de chacun, de ses propres désirs et aspirations; a-t-on déjà vu les ouvriers/ouvrières de l'agro-alimentaire pouvoir développer leur potentiel alors qu'iels sont assigné.es longuement à une ligne de fabrication, de découpe ou de transformation ? À l'étranger, dans l'agriculture, dans le textile, dans l'extraction ou dans le recyclage de déchets polluants ? Moins longuement sûrement à cause de l'inhalation de produits toxiques et de conditions inhumaines de travail. Pendant que d'un côté tous ces opérateurs, exposés et invisibles, contribuent à un Bonheur artificiel, de l'autre, le modèle contemporain de consommation les enfoncent encore davantage dans les difficultés à vivre, durablement qui plus est.

Emma Goldman, une image du Bonheur

Une autre approche du Bonheur a été mentionnée par Kropotkine (1842-1921). D'après lui, le Bonheur est profondément lié à la solidarité et l'entr'aide et qui mieux que cet illustre penseur pour formaliser ce lien par des propos heureux : «Le bonheur de chacun est intimement lié au bonheur de tous ceux qui l’entourent. On peut avoir par hasard quelques années de bonheur relatif dans une société basée sur le malheur des autres mais ce bonheur est bâti sur le sable. Il ne peut pas durer, la moindre des choses suffit pour le briser ; et il est misérablement petit en comparaison du bonheur possible dans une société d’égaux. Aussi, chaque fois que tu viseras le bien de tous, tu agiras bien.» (La Morale anarchiste, chapitre X, source : Bibliothèque anarchiste). Il suffit concrètement de mettre en pratique l'entraide, à travers le SEL (Service d'échanges local) par exemple, pour ressentir une véritable satisfaction partagée. Le Bonheur se construit dans la réciprocité et c'est suffisant pour vivre en paix avec les autres.

Autre cas de figure, porté par Emma Goldman (1869-1940), c'est celui de "l'amour libre" et de l'émancipation des femmes. D'après elle, le Bonheur, dégagé des contraintes juridique, religieuse et économique, est accessible, en autre, dans une intensité amoureuse libérée. "L'amour était pour elle un facteur important dans l'émancipation féminine, parce que l'élan sexuel et amoureux peut s'inscrire dans le champ révolutionnaire ; en effet les passions féminines tant condamnées dans le système patriarcal comme perturbatrices de l'ordre social, il est nécessaire pour devenir une personne sexuellement libre de lutter contre la morale réactionnaire, mais aussi de vaincre ses inhibitions." (Extrait tiré d'un article "Emma Goldman, l'anarcha-féministe et le suffrage des femmes", Vanina. Publié le 14 juin 2018 par le site Socialisme-libertaire)

Cependant, avant de parvenir à la liberté réelle, la concrétisation physique de l'entr'aide, possiblement à l'amour libre, il convient de nommer les barrages érigés contre leur réalisation. Max Striner (1806-1856) avançait que des institutions fixent des règles extérieures qui enferment l’individu. Elles promettent le bonheur (par le geste militaire, la citoyenneté, le puritanisme) mais, en réalité, elles le dérobent car elles transforment l’individu en serviteur d’une cause supérieure. Autrement qualifiées, ces institutions s'apparentent à des formes d'illusion imposées.

Enfin, le Bonheur anarchiste se trouve dans les mouvements de révolution eux-mêmes par la création d'une force active au cours d'une expérience vivante. En se débarrassant des chaînes qui entravent les espaces de liberté, la révolution contient en elle les ferments anticipés du Bonheur. "Si je ne peux pas danser à la révolution, je n’irais pas à la révolution." Emma Goldman. En attendant le Bonheur qui ne vient pas, se contenter de quelques moments heureux n'est que feux de paille. "Il ne peut y avoir de joies réelles et absolues dans les illusions et, par conséquent, à cause d'elles." David Derrien.


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